Projet de loi 83 : la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles juge les mesures insuffisantes pour freiner l’exode médical vers le privé
Alors que le projet de loi 83 s’apprête à être adopté à l’Assemblée nationale, la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles tire la sonnette d’alarme. Elle estime que les amendements proposés par le ministre Christian Dubé ne sont pas à la hauteur du défi posé par l’exode croissant des médecins vers le secteur privé. L’organisme citoyen réclame des mesures plus fermes pour préserver l’universalité du régime public de santé au Québec.
Des amendements jugés vagues et inefficaces
Le projet de loi 83 vise à favoriser l’exercice de la médecine au sein du réseau public en encadrant davantage les processus de désaffiliation des médecins. Le ministre Christian Dubé y introduit de nouveaux critères permettant à Santé Québec d’évaluer la pertinence d’une désaffiliation selon la situation régionale et l’impact sur les services publics. Toutefois, pour la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, ces modifications sont loin d’être suffisantes.
Selon le Comité de lutte en santé de la Clinique, les critères restent trop flous, sans balises précises ni données probantes. L’organisme dénonce un pouvoir discrétionnaire excessif accordé à Santé Québec, sans mécanisme clair pour déterminer combien de médecins non-participants peuvent être tolérés dans une région sans nuire à l’accessibilité des soins.
Une absence totale d’incitatifs pour le retour au public
Au cœur des critiques, la Clinique déplore que le projet de loi ne prévoie aucune mesure pour encourager les médecins à réintégrer le réseau public, ni pour dissuader les nouveaux diplômés de migrer vers le privé après leurs cinq années réglementaires dans le public. Ce vide législatif risque d’aggraver une dynamique déjà bien ancrée, selon laquelle les médecins quittent massivement le régime public pour des pratiques plus lucratives dans les cliniques privées.
L’organisme rappelle que le Québec se distingue tristement comme la province comptant le plus grand nombre de médecins œuvrant dans le privé, avec plus de 800 désaffiliations recensées, contre seulement quelques dizaines dans le reste du pays.
Recommandation 1 : abolir le statut de médecin non-participant
Pour freiner cette tendance, la Clinique communautaire propose une première mesure forte : l’abolition du statut de « médecin non-participant ». Ce statut permet actuellement à un médecin d’opérer hors du régime public tout en fixant ses propres tarifs, ce qui crée un fort incitatif financier à quitter le réseau public.
À l’instar de la majorité des provinces canadiennes, la Clinique recommande de ne conserver que le statut de médecin « désengagé », qui oblige à facturer selon les grilles tarifaires établies par la RAMQ, même en pratique privée. Ce changement réduirait l’attrait économique du privé tout en assurant une certaine équité pour les patients.
Recommandation 2 : encadrer les allers-retours entre les secteurs
Autre enjeu majeur : les va-et-vient fréquents entre le système public et le secteur privé. La Clinique dénonce cette stratégie utilisée par certains médecins pour faire transiter leurs patients entre les listes d’attente du public et les services plus rapides – mais coûteux – offerts dans le privé. Cette pratique alimente une médecine à deux vitesses où seuls les patients les plus fortunés peuvent se payer des soins dans des délais raisonnables.
Pour y remédier, la Clinique propose de prolonger le délai de désaffiliation de 30 jours à 8 mois et de limiter ces transitions à deux fois sur une période de cinq ans. Ces mesures auraient pour effet de réduire la fluidité de ce système d’évitement du public et de renforcer la stabilité du réseau de santé.
Une volonté citoyenne de défendre l’universalité des soins
Marie-Chantal Vincent, membre du Comité de lutte en santé, insiste sur l’importance de mesures robustes et immédiates : « Si le ministre Dubé souhaite réellement freiner la privatisation, il doit appliquer nos deux recommandations sans tarder. La santé n’est pas un modèle d’affaires. » La Clinique communautaire insiste sur l’urgence d’agir pour préserver un système de santé universel et accessible, alors que les inégalités en matière de soins s’accentuent.
Une clinique au service de la communauté
La Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles n’est pas une simple clinique médicale : elle est un modèle de gouvernance citoyenne en santé. Gérée par les résidents du quartier, elle milite depuis des décennies pour un accès équitable aux soins et une participation active de la population aux décisions qui touchent leur santé. À travers son Comité de lutte en santé, elle défend un système public, solidaire et libre des dérives marchandes.
Source : Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles / CNW
Publication Index Santé : 2025-04-22
Nombre de visites depuis la publication : 12115
À lire sur Index Santé :